L’art de grandir – Journée mondiale du théâtre 2025
« Aujourd’hui, la communauté théâtrale célèbre la Journée mondiale du théâtre pour l’enfance et la jeunesse. Notre institution de la rue Ontario au centre-ville de Montréal reçoit des dizaines de milliers de jeunes de 2 à 17 ans à chaque année pour un spectacle, avec leurs écoles ou leurs familles.
Au cours des derniers dix jours, ce sont plus de 3000 adolescent·es de 12 à 17 ans qui nous ont visité pour assister à une représentation scolaire de la pièce l’Enfant mascara de la compagnie la Barbaque, une adaptation du roman de Simon Boulerice. Ces jeunes ont, pour la plupart, reçu un atelier préparatoire en classe par un membre de notre équipe de médiation. Dans cet atelier, on expose, sans trop révéler, une partie des éléments du spectacle, dont les thématiques et la forme.
Dans ce cas-ci, on évoque la construction de soi, la négligence parentale, la transphobie. On parle de théâtre d’objets et de danse krump. Parfois les esprits s’échauffent. Des malaises sont palpables. Les tensions, la polarisation des idées, tout cela est présent aussi dans les salles de classe. La discussion reprend après le spectacle, puisque les représentations sont suivies d’un échange avec les artistes.
Donc ce sont 3000 jeunes qui ont pu prendre la parole, poser des questions et écouter leurs pairs autour d’un sujet qui, nous l’avons malheureusement constaté en janvier dernier lors du dépôt de l’étude de GRIS-Montréal, provoque l’inconfort : la diversité sexuelle et de genre. L’objet théâtral, une fiction, permet d’exprimer des idées et des émotions bien réelles.
À une époque où l’incertitude est généralisée, où les injustices et les fragilités sont exposées au grand jour quotidiennement, nous croyons qu’il n’y a rien de plus puissant que de s’asseoir avec des inconnu·es dans une salle de spectacle pour assister à une œuvre artistique. C’est un condensé de notre humanité et, qu’on ait 4, 14 ou 40 ans, nous avons besoin de nous voir représenté·es avec nos forces et nos faiblesses.
Alors que l’anxiété face à cette période trouble ne cesse d’augmenter, nous offrons un espace de liberté et de réflexion à la fois collectif et intime. Le théâtre pour les jeunes publics est une des richesses du Québec. Des dizaines de compagnies prennent d’assaut les routes de la province pour présenter leurs œuvres partout sur le territoire.
Chez nous à la Maison Théâtre, nous accueillons les jeunes de la grande région de Montréal dans toute leur diversité : classes d’accueil, classes avec des enfants à besoins particuliers, personnes en situation de handicap, bébés, enfants, ados, chaque spectateur, chaque spectatrice a droit à son siège.
Une fois bien assis·es, le processus de plongeon en soi-même peut commencer. Légère ou grave, mystérieuse ou limpide, l’expérience de la représentation théâtrale n’est pas la même pour tous et toutes. Mais les œuvres pour le jeune public ont une caractéristique qui leur est propre, un principe auquel les artistes qui font le choix de s’adresser aux enfants ou aux adolescent·es ne dérogent pas : elles comprennent toujours une part de lumière, d’espoir.
On ne peut pas désespérer du monde une salle pleine d’enfants. Alors à chaque jour, à la Maison Théâtre ou ailleurs, un petit groupe de jeunes, en relation avec une œuvre artistique, se fait proposer d’explorer, d’avancer, d’évoluer. Il y aura un demain. Et le théâtre, les arts, sont un des moyens les plus inébranlables pour y arriver. »
Sophie Labelle
Directrice artistique de la Maison Théâtre
